« Votre Père céleste sait de quoi vous avez besoin »
(Mat 6, 24-34)
Jésus poursuit son discours sur la montagne. Il enseigne et encourage. Il demande d’aller au-delà de la simple loi et de retrouver les racines de nos relations à Dieu. Il est trop commun d’appliquer un commandement sans cœur et sans amour. On tombe dans une sorte de légalisme que répugne la conscience et qui est sans effet sur nos interlocuteurs. Au contraire, il produit le rejet et bloque l’échange. Jésus nous fait comprendre qu’on est aimé et qu’ainsi, les commandements indiquent l’amour et la voie pour le trouver en en vivre. Encore faut-il faire confiance au Père qui nous dirige, au Fils qui nous sauve et à l’Esprit qui met en relation. Notre confiance s’enracine dans l’amour. En aimant Dieu, on exprime son identité filiale et on rejoint les profondeurs de son ontologie, de sa vérité intérieure, de sa progression spirituelle. On communie avec l’Invisible qui a visage de Père dans le Fils par l’Esprit. La vie quotidienne devient chemin vers Lui et expérience de sa bonté, de sa Providence, de sa Présence aimante. Elle s’illumine de mille étoiles guidant vers le Cœur de la Trinité.
- 1. Un seul Seigneur.
On pourrait se dire que Jésus exprime une vérité reçue depuis Abraham et les prophètes. Oui, Dieu est unique et lui seul doit être adoré. Le christianisme n’a pas aboli le monothéisme mais l’a compris différemment par sa foi trinitaire. Non pas trois dieux mais un seul. Trois Personnes unies dans l’amour et l’unicité de la divinité. La Trinité est le Dieu unique qui s’est révélé Père, Fils et Esprit. On dit bien : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » et non : « Aux noms du … ». Cependant, le risque d’idolâtrie nous guette et par lui, l’esclavage avec ses lustres éblouissants et ses prisons dorées.
Le Seigneur contre les idoles : on ne se rend pas compte de nos dépendances et de nos compromis. On glisse facilement vers l’idéalisation et l’idéologie. On érige des statues et on s’enferme dans des statuts douteux. On met le bien personnel avant le bien commun. On s’érige en juge de la loi naturelle et en législateur improvisé. Bien des idoles nous entourent et nous enchaînent. Nous sommes tant pris pas le modernisme, la mode, la nouveauté, la vitesse qu’il nous arrive d’oublier la pause, la réflexion, l’évaluation et le discernement. La tentation d’être à la mode ou à la page nous étouffe. Nous avons construit des temples nouveaux où nous nous prosternons facilement, espérant les quelques miettes que ces idoles nous promettent. Jésus parle de l’argent ou du pouvoir ou de l’avoir… comme des « maîtres » que nous servons volontiers. Pour Jésus, un Seul Seigneur, celui qui aime et qui rend libre par son Fils unique dans l’Esprit. La Trinité est l’anti idole par excellence car elle est communion et relation, dans l’amour et la vérité.
Le Seigneur contre l’esclavage : on ne se rend pas compte de nos chaines et des prisons qui nous entourent. Personnellement, les passions nous assaillent, les intérêts nous suffoquent, l’idéologie nous anéantit, le subjectivisme nous étouffe. Socialement, le progrès nous oppresse, l’argent nous illusionne, le marché nous dirige, l’économie nous conditionne, la politique nous sert pour écraser. Que d’esclaves aujourd’hui ! Les Droits de l’Homme eux-mêmes réduisent en esclavage des populations entières quand ils ne sont qu’idéologie au service des idoles que nous érigeons sur l’autel de nos intérêts. Pour Jésus, un Seul Seigneur, celui qui aime et libère, par la force de la vérité et la clarté de sa beauté. La Trinité est l’anti esclavage car elle promeut la filiation et la communion dans le respect des identités et la justice. Dieu veut des fils/filles libres et non des esclaves !
Le Seigneur contre la peur : on ne se rend pas compte que la peur nous asservit et qu’elle sert nos oppresseurs. Peur de parler, de paraître rétrograde, de dire la vérité, de défendre le droit et le juste, de proclamer le beau et le bien. Peur d’être hors course, hors combat, hors société. Peur de l’autre, de la relation, de l’association, de la solidarité. La peur est une caractéristique de nos sociétés en mal de notoriété et de paraître. La peur nous paralyse et nous rend muet. Elle s’oppose à la foi et à l’espérance. Elle tue en nous la vérité en la relativisant et enferme l’amour dans des paramètres ‘respectables’ et sans créativité. Pour Jésus, un Seul Seigneur, celui qui aime et qui donne la paix, par la force de son Esprit et la victoire de son Fils sur la mort et péché. La Trinité est l’anti peur car elle appelle à la vie, à la paix, au bonheur dans sa contemplation et à l’éternité dans la communion. Elle élimine la peur qui nous terrorise pour la sérénité dans l’amour retrouvé.
On le voit, le Dieu de Jésus-Christ ne se laisse pas enfermer dans une religion légaliste ou idolâtrique. Il rend libre. Son Unité est ouverture et sa Trinité est liberté dans l’amour !
- 2. Le Royaume et sa justice.
Jésus n’est pas un doux rêveur ou un baba cool soixante-huitard. Il n’attend pas que tout lui tombe du ciel et encore moins dans la poche. Il n’est pas non plus un cumulateur de richesses ‘au cas où’. Il connaît notre recherche légitime de sécurité matérielle mais s’insurge contre l’excès. Il nous met en garde contre la course aux biens et l’oubli de l’essentiel. Dieu pourvoit à nos besoins en nous accompagnant sur le chemin de notre conversion et humanisation par son amour.
Retrouver l’essentiel : on est si occupé par le bien-être matériel qu’on oublie son âme, son cœur et parfois les ressources de son esprit. On met toute notre intelligence au service de cette recherche qu’il devient difficile de penser, d’approfondir, de rêver. Doit-on vraiment être mis en face d’une situation dramatique pour réagir à l’éphémère ? Doit-on arriver à notre vieillesse pour comprendre que tout passe et qu’on n’emportera rien ? Doit-on ressentir le mépris pour comprendre que nos richesses n’achètent pas le cœur ni les sentiments sincères ? Le Christ pose des gestes de vie, donne des paroles de Résurrection, ouvre à l’éternité, bénit notre quotidien.
Faire confiance : le Royaume et sa justice sont essentiels pour Jésus. Le Royaume comme espace de communion, moment d’éternité, Présence vivifiante, tente de la rencontre. Le Royaume est différent de ce monde mais il est parmi nous depuis ce matin de Pâques qui a fait éclater la vie et à lancer dans le Ciel notre terre assoiffée. La justice comme vérité de notre être, identité filiale, fraternité humaine, salut en Christ, péché pardonné, responsabilité véritable, liberté d’aimer. Sommes-nous prêts à cette relation vraie qui apaisera nos inquiétudes et ouvrira nos yeux sur l’invisible, Présence aimante à nos côtés ?
- 3. Conclusion : la providence divine.
Le Christ nous envoie dans les bras du Père : fils et filles libres, nous contemplons la vérité de son Être et la liberté de notre humanité en lui.
Le Christ nous confie à l’Esprit Saint. Il saura diriger nos vies vers la Trinité, dans la sérénité et la confiance.
Père Francis