« Adorer en Esprit et vérité »
(Jean 4, 5-42)
Ce temps de carême est une grâce : grâce de se retrouver et grâce de retrouver le Seigneur présent dans nos vies. Un temps de ressourcement et d’évaluation mais surtout un temps pour aimer plus, se concentrer sur l’essentiel, se retrouver en Dieu, origine et but de nos vies et de l’existence. Suivre Jésus dans son pèlerinage vers Jérusalem nous aide à mieux comprendre qui il est et à nous identifier à lui. En effet, sa démarche est pédagogique mais aussi existentielle : elle donne la direction et procure la lumière, elle oriente vers le haut et diffuse l’Esprit, elle éclaire la route humaine et donne la clarté divine. Le carême est une démarche de conversion et d’illumination. On tente de se rapprocher le plus possible de son identité afin de la vivre en toute vérité selon la volonté du Père dans la lumière du Fils et la puissance de l’Esprit. Démarche trinitaire, le carême ouvre la porte sur l’invisible et nous introduit dans une intimité qu’on avait négligée, occupé que l’on est à bien des soucis matériels et mondains. La rencontre de la Samaritaine est un moment important de chaleur et de révélation. Par cette femme à la vie chaotique, le Verbe s’exprime, l’amour se dit, la vie jaillit. L’Esprit est à l’œuvre dans les cœurs quelle que soit leur situation.
- 1. Le carême : connaître l’homme.
Le dialogue avec la Samaritaine est riche d’enseignements et de vérité. A travers des questions simples de l’existence, Jésus va percer le cœur de l’humanité et va révéler qui est l’homme et qui est Dieu. Ce sont ces mêmes questions chevillées au corps que nous portons, notre existence en dépendant bien souvent pour sa cohérence et son équilibre. Jésus révèle les profondeurs de notre cœur et de nos désirs d’infini.
Ouverture transcendantale : l’histoire de l’humanité est pleine de ces questions et de ces essais de réponse. Nous ne pouvons nous résoudre à une existence terrestre sans élévation, sans orientation, sans ouverture sur le plus. Nous percevons que la vie est plus que ce que nous vivons, que le monde ne peut finir dans le néant, que l’humanité ne peut se fondre dans le nul. Poussière certes mais esprit et pensée. Mortels certes mais capables d’éternité. Cette ouverture se réfléchit dans les religions, les spiritualités et les philosophies. On ne peut que constater cette réalité et l’accueillir comme une partie de nous-mêmes à l’origine de la culture, de l’art, de la beauté, de la pensée… Dieu a mis ce désir en nous pour nous dépasser et le trouver !
Ouverture à l’infini : la vie de l’homme ne se résout à quelques années agitées ou enflammées puis à la disparition. Notre esprit est capable de penser l’infini. Notre cœur est capable d’aimer au-delà des choses. Notre âme est capable de s’élever. La contingence, même acceptée, ne nous satisfait pas. Les limites, accueillies dans l’humilité, ne suppriment pas le désir de les dépasser. Notre condition mortelle, bien qu’évidente et existentielle, ne rêve que d’immortalité et d’infini. Notre horizon ne peut se limiter au visible. Dieu a mis en nos cœurs le désir de l’infini et le goût de l’éternité. Il nous veut chez lui car sa Création est un acte d’amour et une volonté de communion.
Ouverture à l’amour : le cœur de l’homme est en recherche. Il n’est jamais satisfait. Bien qu’il cherche à combler ce désir par une accumulation inutile de biens matériels et par une course effrénée vers l’avant, quelque fois par le péché, il ne peut se contenter de ce qu’il a. De fait, il veut plus, il veut du solide, il veut du sens, de la noblesse, des valeurs. Il veut aimer et être aimé. Nous ressentons ce besoin comme une blessure en creux, une ouverture salutaire, une volonté de sérénité. Qui pourra combler un cœur assoiffé ? Qui pourra nourrir une âme en appétit ? Qui pourra répondre à cet élan puissant et quasi incontrôlable ? Seule « l’eau vive » de l’Évangile saura désaltérer le cœur en attente, l’âme en désir, le corps tendu. Dieu a mis en nous cette soif d’amour mais aussi la possibilité de la satisfaire. Lui seul peut étancher notre soif et lui seul peur combler ce vide, cette attente, cette blessure, cette fragilité. Par la grâce en son Fils et la douceur de l‘Esprit, le Père vient prendre place en nos cœurs, comme la pluie irrigue la terre, la féconde et permet le fruit, comme les puits asséchés du désert attendent l’abondance, comme la rosée fait éclore la fleur si fragile, comme la semence prête à s’ouvrir à al vie ainsi nos âmes reçoivent la grâce et explosent d’amour pour s’élever vers Dieu, se reposer en Dieu, se retrouver en Dieu. Elle devient « source jaillissante pour la vie éternelle ».
La Samaritaine a provoqué une réflexion essentielle sur la personne humaine. On comprend mieux ce qu’est l’homme et ses attentes. On comprend aussi ses ratés et ses égarements. On comprend comment Dieu, patiemment, l’attend pour lui donner ce à quoi il aspire : la vie éternelle dans l’amour !
- 2. Le carême : connaître Dieu.
Si on connaît l’homme et ses désirs, l’Évangile nous parle aussi de Dieu et du vrai culte attendu et souhaitable. « En Esprit et vérité », les nouveaux adorateurs du Père se déferont de toute extériorité, de ritualisme, de légalisme, d’hypocrisie. Le culte nouveau correspond au Dieu nouveau annoncé en Jésus : Dieu Père révélé en son Fils dans l’Esprit. Dieu communion et ouverture. Dieu Un et Trine. Dieu d’amour.
« En Esprit » : c’est par l’Esprit que nous vivons et c’est en lui que nous nous mouvons. Il vit en nous comme Présence Divine. Il avive en nous le désir du beau, du bien, la volonté de croître et la tension de l’amour. Il apaise l’âme, éclaire l’esprit, réconforte le corps. Il est l’époux de nos âmes en attente de vérité, de sérénité, d’amour. De même qu’il est l’amour du Père et du Fils, l’unité du Père et du Fils, l’Esprit est l’amour en nous, l’unité de notre personne, l’harmonie de notre existence, la joie de nos cœurs. Dans l’Esprit, notre culte est vrai car il est amour en la Trinité Sainte.
« En vérité » : une seule Vérité, le Christ. Un seul Seigneur et Dieu, Père du Fils dans l’Esprit. La vérité n’est pas une théorie. Elle est Personne Divine, dans le dynamisme de l’éternité et la communion de l’amour. La vérité nous entraîne dans l’authenticité et l’harmonie, l’unité et la communion. Harmonie des origines, harmonie de la personne dans toutes ses dimensions, harmonie avec le créé, harmonie avec Dieu. La vérité rend libre et serein. Elle éloigne le conflit intérieur et apaise les tensions inutiles. Elle unit l’objectivité et la subjectivité. Elle met en relation et fait croître l’amour. Le Dieu d’amour est aussi le Dieu véritable. « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ! » (Psaume 84, 11).
- 3. Conclusion : un culte spirituel s’épanouissant dans la charité
La Samaritaine, malgré sa vie chaotique, a su poser les bonnes questions et s’ouvrir au Messie
La Samaritaine, dans sa vie chaotique, a trouvé la foi et l’amour dans le Sauveur, Porte du Ciel et Joie du Père. Elle a provoqué une réflexion anthropologique et théologique qui s’épanouira à Pâques.
Père Francis
