« C’est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée »
(Mat 11, 1-6 ; Mat 26, 14 – 27, 66)
Après ce long temps de préparation, nous entrons dans la Grande Semaine, la Semaine Sainte. Une semaine privilégiée, spéciale, particulièrement chère aux chrétiens. Une semaine dramatique mais qui rejoint la gloire. Une semaine de profonds bouleversements qui touchera le cœur, l’esprit et l’âme à travers le corps meurtri du Christ. Une semaine de douleur mais aussi d’espérance. Chacun apporte ici sa tradition, ses sentiments, sa sensibilité. Chacun aborde la Semaine avec son cœur et sa chair. Chacun se perd, se retrouve, s’émeut, se bouleverse, se révolte, souffre et espère. Chacun regard le Crucifié avec douleur mais aussi avec amour. Nous ne pouvons rester indifférents devant un tel drame. On ne peut que s’impliquer en partageant telle ou telle position. Il reste que notre péché nous pèse, que notre incrédulité nous noie, nos compromis nous dénoncent. L’Homme des douleurs d’Isaïe (50, 4-7) nous interpelle dans nos choix, nos orientations, nos positions. Le Crucifié nous interpelle dans nos attitudes, nos paroles vaines, notre temps perdu. Le Ressuscité nous appelle à le rejoindre dans sa gloire qui devient notre gloire. Suivons l’Homme des douleurs qui passe la croix pour marcher vers la Lumière, l’amour du Père dans l’Esprit Saint.
- 1. Montée vers la Croix.
La Semaine Sainte est une montée. On progresse lentement mais certainement vers quelque chose de grand, de mystérieux. Accompagner le Christ, c’est aussi participer à ses douleurs, c’est toucher sa souffrance, c’est recueillir son sang. Boire le calice, c’est déjà communier à la vie du Ressuscité. Cette Semaine met en lumière bien des vérités de notre humanité à travers l’innocence du Christ, l’agneau sans tache mais plein de candeur et de douceur.
Lumière sur nos péchés : c’est bien le péché qui va tuer le Christ. Le péché est cette attitude responsable qui mène à la séparation, à l’autonomie illusoire, à la fausse liberté, à la mort. Nous voulons être notre propre origine mais c’est impossible. Nous voulons être notre propre référence mais c’est impossible. Nous voulons être notre propre liberté mais c’est impossible. Comme Adam, nous renions notre source et notre souffle. Dieu seul peut nous donner l’autonomie, l’objectivité et la liberté. Lui seul est Source jaillissante de vie et de fraicheur. Se couper, c’est mourir. Ainsi en va-t-il du péché. La Passion rappelle cela. Le Crucifié est l’homme libre par excellence, sans compromis avec le péché mais entièrement tourné vers la Source.
Lumière sur nos compromis : ce sont bien les compromis douteux qui crucifient le Christ. Compromis politiques et sociaux, compromis moraux et éthiques, compromis financiers. On avance en eaux troubles quand l’éthique n’est pas claire et que la morale est élastique. On se compromet quand les désirs d’avoir et de pouvoir nous étouffent. On s’arrange avec la vie des autres quand le respect disparaît et avec lui le sens de l’égalité et de la fraternité. Dieu seul est notre norme objective car il est Créateur et donne la Loi mais aussi la liberté de conscience. Le Crucifié est sans compromis avec la mal. Il rejette toute attraction nuisible à l’amour et toute implication dans l’esclavage des hommes. Il est libre et innocent. Il peut nous donner la lumière par sa mort sans compromis.
Lumière sur nos doutes : le doute nous envahit bien souvent comme une vague qui nous submerge peu-à-peu. Quelque fois c’est un tsunami qui emporte tout. On doute de l’amour de Dieu, de la vérité du Christ, de la présence de l’Esprit Saint. On se crée une divinité à notre image et à notre portée. On préfère se prosterner devant nos idoles toutes faites et toutes belles, dorées comme l’or et brillantes comme l’argent mais vides et creuses. La Passion nous met en face de nous-mêmes et de nos croyances et en face de Dieu et de sa vérité, de son identité et de sa volonté. On ne peut échapper à la réflexion et à l’étonnement. On voudrait que le Christ ne souffrît point pour rejeter la souffrance. On voudrait que le Père interférât pour que sa puissance se manifestât pour notre plus grande satisfaction. On voudrait que l’Esprit ne fût point donner de la croix mais d’un trône luisant même s’il est bancal et sans intérêt. On voudrait… Dieu veut autrement tout simplement.
La Semaine Sainte met en mouvement nos contradictions, nos compromis et notre péché. Elle nous bouscule et nous dérange car sont mis en évidence nos erreurs et errements. Cette Semaine n’est faite que d’amour et l’amour nous coûte !
- 2. Montée vers la Gloire.
Le Semaine Sainte est une montée. Elle nous fait passer de la croix à la gloire. Elle procure pardon et miséricorde, bonté et innocence. Elle nous remet devant nous-même pour mieux nous connaître mais aussi pour mieux saisir l’amour de Dieu. Après la douleur, la gloire du Ciel et la communion trinitaire.
La croix, trône du Christ : si on s’arrête à la matérialité de l’événement et c’est peut-être ce qui nous touche le plus, on se tord de douleur et on se concentre sur le bois ensanglanté. Et pourtant, la croix est le vrai trône du Christ, son élévation, sa glorification. Il est l’homme libre attaché mais apaisé. Il est l’homme selon la volonté divine, le Nouvel Adam selon le cœur de Dieu, le vrai Fils du Très-Haut. Alors que cet instrument de torture nous répugne, il devient signe de vérité et de présence, signe de l’amour en acte et d’implication, signe de vie et de lumière. Comment une telle transformation est-elle possible ? Sur la croix brille déjà la Résurrection. La lumière brille déjà dans les ténèbres.
Le tombeau vide, porte du Ciel : pourquoi conserver un tombeau vide ? Quelle folie nous prend ? C’est là le 2ème signe donné pour notre salut et la paix du cœur, le signe de la présence mystérieuse du Crucifié parmi nous, le signe d’un amour que la mort ne peut enfermer. La croix est le trône du Fils et le tombeau vide est le passage vers la Lumière éternelle, la vérité de Dieu, la profondeur de l’amour, la possibilité de la communion, la partage de la divinité. Le Fils entre dans la Gloire avec son Corps glorieux, avec ses frères et sœurs, avec notre humanité crucifiée mais transfigurée. Le Fils est la Porte des fils et filles du Père. La mort n’est plus qu’un passage vers les bras ouverts du Miséricordieux. La gloire nous est donnée sans compromis ni condition. L’amour seul peut faire cela.
- 3. Conclusion : manifestation de l’amour
Jésus entre à Jérusalem. Ceux qui l’acclament réclameront sa mort. Contradiction présente dans nos vies et douleur d’un peuple sans consistance.
Jésus entame la Semaine Sainte avec détermination malgré la faiblesse de la chair. Elle va le broyer mais aussi le faire fleurir. Elle va le détruire mais aussi l’exalter. Elle va le faire mourir mais aussi le faire vivre. Comme homme, il passe par la souffrance, son humanité l’accompagne. Comme Dieu, il accueille la douleur humaine pour l’emporter au Ciel et transformer de l’intérieur notre être et notre identité. Créatures aimés, nous devenons enfants plus qu’aimés de la Trinité Sainte.
Père Francis
