« Comprenez-vous ce que je viens de faire ? »
(Jean 13, 1-15)
Le Triduum pascal est certainement le moment le plus intense et le plus important de notre année liturgique. C’est aussi le centre de notre foi et le cœur de notre vie. Les Trois Jours sont comme un phare dans la nuit et un signe dans notre histoire. Ils ont changé la face du monde, modifié l’histoire humaine, ouvert les portes du Ciel, rendu la liberté à l’humanité, révélé le Cœur du Père par le Fils dans l’Esprit Saint. Trois Jours qui nous plongent au cœur du drame humain mais aussi au cœur de l’amour trinitaire. Suivre le Christ ne suffit pas, il nous faut l’accompagner, compatir, partager ses souffrances, sa mort et donc sa Résurrection. Nous pouvons vivre cet Événement comme une commémoration historique ou même un temps de forte émotion mais dans ces cas, on passe à côté de l’essentiel. Vivre ces Trois Jours avec toute la force de notre spiritualité et de notre amour, c’est communier au drame trinitaire mais aussi partager la communion éternelle. De fait, en dehors de l’amour qui compatit et qui partage, il n’y a pas grande attitude appropriée. Entrons dans ce Mystère avec tout notre être et tout notre amour. Nous y toucherons le Cœur de Dieu.
- 1. Mémorial de l’amour.
Le Jeudi Saint rappelle la dernière Cène, l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce ministériel. Moment important de partage et d’héritage. Les disciples autour de Jésus ne comprennent pas grand-chose au drame qui se joue mais vont être impliqués dans la précipitation des événements portant Jésus à la croix mais aussi à sa Résurrection. Ils reçoivent pourtant ce qui sera la base de la future Église, assemblée des sauvés et témoins de la Résurrection. On conserve jusqu’à ce jour et jusqu’à la fin des temps, ces trésors légués par le Christ pour la sanctification de son Église.
L’Eucharistie, présence réelle du Seigneur : elle est au centre de notre liturgie et de notre vie. Quoi de plus beau et mystérieux que cette célébration qui nous met en présence du Seigneur avant sa Passion tout en y célébrant sa mort et Résurrection ? L’Eucharistie est notre bien le plus précieux. Elle est notre vraie richesse. Elle nourrit le Peuple de Dieu, anime le Temple de l’Esprit, unit au Corps mystique du Christ. Elle fait l’Église. Le Seigneur l’a dit et l’a fait : il est au milieu de nous. Il l‘a promis : il reste avec nous pour toujours. Il se rend présent : cette présence est vraie, réelle, efficace, sanctifiante. Nous célébrons l’Eucharistie car elle est la fête de toute l’Eglise, la raison de son existence, le cœur de son être. Nous adorons le Seigneur dans l’Eucharistie car il se laisse toucher, voir, contempler. Nous recevons l’Eucharistie car nous partageons sa vie, sa mort et sa Résurrection. Elle est la présence du Ciel parmi nous, lien entre le Ciel et la terre, pont entre Dieu et l’homme.
Le sacerdoce ministériel : le Christ est l’unique prêtre de la Nouvelle Alliance en son sang. De fait, le mot ‘prêtre’ lui est appliqué dans le Nouveau Testament. Lui seul peut ouvrir le Ciel et présenter nos offrandes au Père dans l’Esprit. Son sacrifice a été accepté. Il est désormais le seul intermédiaire en Dieu et l’humanité. Tous les baptisés partagent ce sacerdoce royal consistant à s’unir à l’unique Prêtre offrant l’unique sacrifice sur l’unique autel pour la glorification du Dieu unique. Le sacerdoce commun des fidèles fait partie de notre identité de fils/filles, aptes au culte véritable qui demande de s’offrir soi-même par les mains du Christ. Dans la communauté, cependant, certains sont choisis pour signifier cela, pour le rappeler et le vivre. Agissant « in Persona Christi », ils guident la communauté, proclament la Parole de Dieu et sanctifient le peuple élu. Les presbytres (prêtres) sont le corps des « anciens » (presbyterium) appelés au ministère, au service de l’Église. L’épiscope (évêque) est le gardien, le presbytre est l’ancien. Quant au le diacre, il est le serviteur mais non dans la ligne du sacerdoce ministériel. Les presbytres choisis sont mariés (Églises orientales) ou célibataires (Églises latine et orientale) mais séparés pour servir le Seigneur dans son peuple. Ils exercent le sacerdoce du Christ, unique Chef et Tête de son Église. Vie particulière de joie et de dons spirituels, offrande de soi pour le salut du monde, célébration de la messe sur le monde.
Alors qu’il s’apprête à être arrêté, Jésus pose des gestes significatifs et importants pour ses disciples. Son dernier repas est aussi l’occasion d’un long discours explicatif, d’une prière sacerdotale et de l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce. Il donne à son Église en formation les bases de la foi, les fondements de son culte, la lumière de sa connaissance et l’élan de sa mission. Il agit dans l’amour car sa mort et sa Résurrection sont des actes d’amour et de salut.
- 2. Servir par amour
On remarquera qu’au moment crucial de la dernière Cène, St Jean ne rapporte pas l’institution de l’Eucharistie mais rapporte un geste significatif pour son Église : le lavement des pieds. Bien évidemment, St Jean a parlé du Pain de vie (Jean 6) et ne peut ignorer ce qui fait déjà, au moment où il rédige son Évangile, l’essentiel du culte chrétien. Il en approfondit le sens et y voit une continuité. Servir le Seigneur à l’autel et le servir dans ses frères et sœurs revient au même. C’est le même Corps du Christ, célébré et servi.
Servir ses frères : Aimer Dieu sans aimer les autres, est-ce raisonnable ? Peut-on aimer Dieu qu’on ne voit pas et haïr celui qu’on voit ? Le lien est clair. Le Seigneur est servi dans le service d’autrui car il est présent en l’autre comme il demeure en moi. L’Église l’a bien compris, elle qui s’est mis à servir l’humanité par un engagement de chaque instant. Elle l‘a fait parfois gauchement mais toujours avec amour. Son service n’est pas seulement humanitaire ou philanthrope, il est théologal, spirituel et désintéressé. Il fait partie de son identité. C’est son sacerdoce aussi.
Servir le Seigneur : servir à l’autel est le culte chrétien car toute l’’Eglise, unie à sa Tête, célèbre le Père et vit de l’Esprit. Servir les pauvres est aussi le culte chrétien car toute l’Église, unie au Christ, aime et reconnaît le Père par l’Esprit. La Création est aimée et les créatures sont appelés à partager la divinité de la Trinité, en liberté, et dans l’amour. Le service perpétuel se continue dans le service des enfants de Dieu. Le lavement des pieds en est un bel exemple.
- 3. Conclusion : avec le Seigneur !
Ce Jeudi Saint nous entrons dans le dynamisme des Trois Jours saints, unis au Christ et à toute l’Église.
Ce Jeudi Saint commémore l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce, dons spirituels à l’Église en marche vers le Royaume.
Ce Jeudi Saint rappelle que Eucharistie et service sont liés mystérieusement et que le même Seigneur est adoré, vénéré et servi à l’autel et dans le pauvre.
Ce Jeudi Saint, Jésus entre en agonie : passons un peu de temps avec lui et partageons sa victoire.
Bonne montée pascale, Père Francis