« Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique »
(Jean 3, 13-17)
Cette fête commémore ‘l’invention (découverte) de la vraie Croix’ par Sainte Hélène et le retour à Jérusalem en 628 des reliques de la Croix dérobées par les Perses (en 614) puis leur exposition à Constantinople en 629. Cet amour pour le ‘Bois très saint’ qui a vu mourir le Seigneur s’exprime dans ces événements historiques et par l’érection en tout lieu de ce signe de victoire. L’instrument de supplice est devenu le signe du salut et de l’amour de Dieu pour son peuple. Nous portons la croix à notre cou comme en notre cœur pour redire encore et encore l’amour trinitaire qui nous a donné le pardon mais aussi le don de l’adoption filiale. La Croix est le trône du Christ roi et la porte du Ciel. Elle procure pardon et miséricorde. Elle brille des feux de l’amour divin. Elle éclaire le monde et la conscience. Elle parle au cœur. Si la croix nous plonge dans le mystère divin, elle nous fait comprendre le mystère de l’homme, de ses capacités, de son péché, de sa vocation. En exaltant la Croix, nous proclamons l’amour. En embrassant la Croix, nous lui portons notre amour avec ses peines et ses joies. Comme Marie au pied de la Croix, nous portons l’espérance du monde dans la confiance en la miséricorde divine.
- 1. La Croix, glorification du Fils.
On ne peut faire abstraction de l’instrument de supplice qui a vu mourir et qui voit encore mourir aujourd’hui des êtres condamnés. L’horreur ne peut être occultée. La souffrance de ce supplice est extrême. Elle est le signe de notre manque d’humanité et de nos capacités de destruction. La crucifixion du Christ nous relie à l’histoire et nous invite au réalisme de la condition humaine. Le christianisme, religion incarnée, n’a jamais caché la fin tragique de son fondateur, mais, religion de salut, n’en a pas moins proclamé le pardon et la possibilité d’une vie nouvelle. La Croix et la Résurrection sont liées et se complètent pour la gloire du Père par le Fils dans l’Esprit Saint.
Souffrance du Fils : le Christ devait-il souffrir pour nous sauver ? Question pertinente et mystérieuse. La volonté du Père est de nous sauver. Partagée par le Fils, cette volonté va jusqu’à la croix. L’amour est allé jusque-là ! C’est la perversité de l’homme qui crucifie le Christ et sa méchanceté qui le fait souffrir. Le péché le plonge dans la douleur de la séparation : lui le Fils qui ne vit que par le Père se « fait péché » pour accomplir le salut. Souffrance imposée qui deviendra source de réconfort et de pardon. Souffrance qui unit tous les souffrants. Souffrance acceptée qui nous unit au Crucifié. Souffrance mystérieuse qui met l’humanité sur un chemin de vérité.
Exaltation du Fils : le Christ en croix nous indique un autre fait. C’est le roi qui est exalté. Le Christ maltraité et souffrant des 3 évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) laisse place au Roi de gloire dans l’évangile de Jean. Jean comprend que la Croix est le vrai trône du Christ, qu’elle l’exalte au-dessus de tout et de tous, qu’elle proclame hautement sa mission, qu’elle exprime une identité cachée. Le Christ chez St Jean marche résolument vers sa mort, porte lui-même sa croix, s’achemine vers la gloire. Il maîtrise la situation, uni au Père et par la force de l’Esprit. Il expire en donnant l’Esprit pour le renouvellement du monde. C’est un acte de recréation. La vie nouvelle est possible, la relation est rétablie, l’amour a tout dit.
Révélation de la divinité du Fils : alors que l’homme meut, le Dieu se manifeste. Pourra-t-on jauger la profondeur de cet événement ? Pourra-t-on pénétrer le mystère de l’homme-Dieu qui accomplit sa mission ? Pourra-t-on percer ce moment unique d’amour et d’unité entre le Père et le Fils alors que tout montre le contraire ? La Croix est une clé de compréhension du mystère trinitaire et la clé qui ouvre le Cœur de Dieu. A travers l’homme qui meurt, Dieu s’exprime, se laisse voir, se dévoile, se met entre nos mains. L’humanité du Christ montre sa divinité ! Mystère que cet événement qui fait suite à l’Incarnation et qui la complète si parfaitement. C’est par le Fils incarné qu’on découvre le Fils unique, la splendeur de sa divinité, la beauté de son Visage divin, l’amour trinitaire. Il n’y a pas d’autre chemin pour atteinte le cœur de Dieu.
Dieu a retourné la situation : la croix du supplice devient la Croix Glorieuse. Le Souffrant devient le Glorifié. La mort donne la vie. Les ténèbres laissent place à la lumière. Mort et Résurrection nous plongent dans le mystère trinitaire, Père, Fils et Esprit, Un pour le salut de l’humanité devenue capable de filiation et de communion.
- 2. La Croix, signe de l’amour du Père.
Dieu pouvait-il exprimer son amour de façon plus éclatante ? On peut se poser la question puisque la croix reste un événement douloureux. Marie au pied de la croix est aussi la Vierge des Douleurs. L’art lui-même, au cours des siècles, a oscillé entre le Christ douloureux et le Christ glorieux selon les circonstances historiques et la sensibilité culturelle. On peut aimer un Christ roman plein de sérénité ou un Christ baroque déformé par la souffrance. C’est cependant le même Christ selon l’une ou l’autre vision, approche, spiritualité ou théologie. La sérénité porte au divin. La douleur porte au divin. Sérénité et douleur parlent tous deux de l’amour.
Le Bois qui sauve : l’amour a sauvé le monde. La Croix se transforme en un lieu de lumière. La lumière du Père éclaire la souffrance du Fils et manifeste l’Esprit. Le Père supporte son Fils et partage sa souffrance. L’amour passe à travers la mort du Fils pour l’emporter dans la gloire divine. Les ‘trônes de gloire’ de nos églises bretonnes tentent de dire cela : le Père soutient la croix du Fils tout en donnant l’Esprit. L’amour est à son apogée quand le Fils meurt et que le Père l’accueille en son sein dans l’Esprit. Le mystère trinitaire se révèle dans cet acte de salut pour s’épanouir dans la lumière de Pâques.
Le Bois qui aime : alors que nous tentons d’équilibrer souffrance de la croix et amour du Père, ne devrions-nous pas dire tout simplement que c’est l’amour en œuvre, que c’est l’amour véritable et source de nos amours humaines, que c’est le Bois d’amour nous emportant dans la communion d’amour éternelle ? Contempler le Crucifié, c’est voir l’amour du Père et recevoir l’Esprit d’amour. Adorer le Crucifié Fils de Dieu, c’est adorer la Trinité Sainte, Dieu véritable, révélé et exalté.
- 3. Conclusion : une Croix trinitaire
La Croix est glorieuse, elle exalte le Fils et montre la volonté du Père.
La Croix est glorieuse, elle exalte le Père et montre la volonté du Fils.
La Croix est glorieuse, elle dévoile la Trinité par l’Esprit donné aux hommes.
La gloire du Christ est notre gloire car, baptisés en lui, nous partageons sa victoire.
Père Francis