La Toussaint est la fête de la joie et de la vie car elle est la fête de l’Eglise, de « la foule immense » (Apo 7) des sauvés et des élus qui chante pour l’éternité la gloire de Dieu et son amour. Dans une même fête, tous ceux qui ont accueilli l’amour et qui l’ont vécu dans leur quotidien, sont réunis et célébrés, sont donnés comme exemples et intercesseurs. Nous nous réjouissons de savoir tant de frères et sœurs arrivés à la gloire céleste, contemplant pour l’éternité la beauté du Père par le Visage aimé du Fils dans l’Esprit d’amour. Nous aimons nous souvenir de tous ceux qui ont vécu parmi nous et ont exprimé par leur vie l’invisible, de tous ceux qui ont traversé les ’ravins de la mort’ pour gagner la vie, tous les héros du quotidien qui ont mis l’amour à la première place et qui ont transformé cette ‘vallée de larmes’ en rivières de joie et en océan de bonheur. La sainteté est transformation de l’être, configuration au Christ et vie dans l’Esprit Saint. Elle est le vécu filial dans l’ordinaire pour vivre dans l’extraordinaire de la communion. Elle est partage et joie dans l’amour trinitaire. Elle est un être-au-monde qui ouvre un être-en-Dieu ici-bas. Tous, nous avançons vers la gloire, en passant par la croix du Fils et la lumière de sa Résurrection, par la force de l’Esprit. Tous appelés donc à la sainteté.
1. Joie de se savoir aimés.
On aime se raconter l’histoire des saints, revivre leurs aventures humaines et spirituelles et leurs défis. Chaque époque a son charme et chaque saint a sa particularité. Ils sont comme des frères et sœurs ainés qui ont montré un chemin de vie et qui nous appellent à la sagesse et au sacrifice dans l’amour. On craint quelquefois leurs ‘excès’ ou leur ‘pari’. On les admire mais on n’est pas toujours prêt à les suivre. Il nous semble que cela est réservé à quelque élite ou à certains appelés. On résiste devant les défis et on craint le lâcher-prise. Notre intérêt pour les saints reste-t-il au niveau de l’admiration ? Ne sont-ils pas des exemples de vie chrétienne accomplie et incarnée dans une époque donnée ? Sommes-nous capable de relever le défi d’inculturer la foi, d’incarner l’amour, de vivre d’espérance aujourd’hui?
Se recevoir de Dieu : le saint se sait aimé. Il a pris au sérieux la Révélation et le commandement de l’amour. Il a compris toute la tendresse du Père exprimée dans la vie, mort et résurrection du Fils. Il a accueilli la force de l’Esprit. La grâce filiale a transformé sa vie pour le rendre plus humain et donc plus proche du divin. Pas de contradiction en lui entre ses aspirations, sa force de vie et sa tension vers l’infini. N’a-t-il pas reçu sa vie d’un Autre pour le lui remettre dans le dépouillement complet de soi ? Ce dépouillement est plein de lumière et riche de grâce. Plus on reçoit, plus on donne. Quand on se reçoit, on est prêt à se donner. L’humain et le divin s’harmonisent alors. L’homme devient fils. L’œuvre est complète et harmonieuse!
Se donner en Dieu : le saint se sait en transformation. Il se donne pour se recevoir. Il est commun de dire que plus nos mains se ferment et plus nos cœurs se dessèchent. Tout ce que nous gardons pour nous se désagrège et s’éparpille. La richesse n’est pas dans l’avoir sinon dans l’être illuminé par l’Esprit à la suite du Fils. Le Père reçoit nos vies pour nous les rendre plus grandes et belles. Sa beauté se reflète alors en nous et la sainteté illumine le monde. N’est-ce pas ici le secret de la vie spirituelle selon la révélation chrétienne ? Une vie qui se donne et qui alors est reçue comme un don, une grâce. Cet échange merveilleux est la merveille de l’amour, merveille que seul un Dieu Trinité peut accomplir car il est en lui-même l’Amour. Il est clair pour nous que la Trinité Sainte n’est pas seulement un modèle de communion à imiter, elle est communion à vivre, communion impérative inscrite en nous, communion qui accomplit notre humanité tendue vers elle.
Le saint a compris et a vécu en conséquence. Accueillir l’amour l’a porté à aimer Dieu et le prochain (Mat 22, 34-40), à transformer ses mœurs et sa vie (Mat 23), à vivre des Béatitudes (Mat 5), à être.
2. Joie de vivre.
‘Je ne suis pas un saint’ disent certains pour disculper leurs inconséquences ou minimiser leurs fautes. ‘C’est un saint’ dit-on de certains pour souligner l’irruption de l’invisible dans la vie et l’attitude de ceux que nous admirons. Si nous avons tendance à ‘statufier’ les grands hommes, c’est aussi pour les poser loin de nous sur des piédestaux inaccessibles. La grandeur est-elle une statue morne qui défraichit avec le temps ? ‘Un saint triste est un triste saint’ dit la sagesse populaire. Au lieu de chosifier la sainteté, revigorons-la dans la vie et dans l’Eglise comme le chemin des Béatitudes qui donne sens et consistance à nos vies bien souvent ternes et affligeantes. La joie de vivre est un don de l’Esprit qui s’est emparé de nous comme l’amour s’est emparé de nos cœurs.
Refléter la joie : le saint est joyeux : joie de vivre et d’aimer. Joie mystérieuse jusque dans les souffrances et la persécution. Joie de la communion jusque dans la mort. « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? » (Rom 8). Le corps participe de cette joie et reluit des feux du bonheur.
Refléter la beauté : le saint est beau : beauté de croire, d’espérer et d’aimer. Beauté jusque dans les laideurs de la misère humaine et le sinistre des situations limites. Beauté jusque dans la maladie, la vieillesse ou le handicap. Beauté qui reflète la beauté divine dans un monde sans joie et sans entrain. Beauté optimiste qui nous vient de l’amour donné et reçu. Beauté divine qui illumine l’âme et l’esprit et jusqu’au corps appelé à la résurrection. Beauté de la personne qui est image de la Trinité Sainte.
Refléter l’harmonie : le saint est harmonieux. Il a su donner à son corps la consistance de la création et la beauté de la rédemption. Il harmonise alors son être par qui désormais la lumière passe et la joie se répand, par lequel l’amour se donne et s’unit à la Trinité. On comprend alors que les Béatitudes sont le bonheur pur d’une vie de communion.
3. Conclusion : la sainteté comme projet de vie.
La Toussaint nous rappelle la longue histoire de notre Eglise en marche vers le Royaume et la plénitude de la joie en Dieu. Marie de Nazareth et tant de frères et sœurs y sont arrivés, à nous de prendre le même chemin dans l’amour et la joie.
La Toussaint nous rappelle que la vie est beauté et harmonie et que cela n’est possible qu’en accueillant l’amour trinitaire auquel nous participons dès maintenant. Il n‘y a pas de contradiction entre notre nature préparée à l’infini et le don de la grâce nous élevant dans l’infini.
La Toussaint est la fête joyeuse de tous ceux qui aiment et qui trouvent leur plénitude dans la communion du Père, du Fils et de l’Esprit, Dieu Un et Trine, Dieu d’amour. Notre projet de vie rejoint alors le dessein de Dieu. « Bienheureux êtes-vous… » alors !
— Père Francis
|