« La mère de mon Seigneur »
(Luc 1, 39-45)
Noël est à nos portes et déjà nous nous préparons à le célébrer. Nos cartes de vœux ont été envoyées, nos cadeaux sont prêts, notre menu de réveillon est décidé, nos invitations sont parties. Noël reste un moment exceptionnel et chacun veut qu’il soit exceptionnel. C’est que depuis 2000 ans, l’Enfant de Bethléem a bouleversé notre histoire et nos habitudes. Il a mis au cœur des hommes une espérance qui les a enflammés. Il a allumé un feu qui se propage et qu’on ne peut éteindre. Même si aujourd’hui on a réduit Noël aux « fêtes de fin d’année », le mot « Noël » résonne comme un rappel, comme un appel à l’amour, comme une invocation. Cette dernière semaine, la liturgie présente les acteurs de l’événement, ceux et celles qui ont préparé la venue du Christ et qui l’ont permis. Dieu a voulu naître parmi nous en nous associant à sa venue. Marie est au centre de ce mouvement solidaire et spirituel. Elle illustre le désir des pauvres, des petits et des simples. Elle représente tous ceux et celles qui attendent le salut de Dieu et son intervention dans notre histoire, personnelle et communautaire. La jeune femme de Nazareth devient la Mère du Seigneur par un oui total et ouvert qui va changer le monde.
- 1. Le Dieu d’Israël.
L’Annonciation nous avait ouvert les yeux sur l’identité de cet enfant à naître. « Fils du Très-Haut », il contient dans son nom sa mission : le salut. Jésus vient nous libérer du péché et de l’esclavage pour faire de nous non seulement de fidèles serviteurs de Dieu mais les enfants du Père. Noël est une révélation comme toute la vie de Jésus qui prend sa lumière dans le matin de Pâques. L’Ancien Testament est bousculé pour ouvrir la porte à une Alliance Nouvelle en Christ. L’épisode de la Visitation est elle-aussi une révélation : Israël accueille son Seigneur.
Le Seigneur de l’Alliance : Dieu s’est uni à son Peuple par une Alliance. Elle a toute son importance dans l’histoire d’Israël. Elle refait surface à chaque événement majeur de son histoire. Elle est le guide qui indique le chemin. Elle est un pacte qui oriente les relations entre Dieu et l’humanité. Elle se veut éternelle. Ce même Dieu de l’Alliance vient maintenant à travers Jésus sceller un nouveau pacte, donner une nouvelle orientation, permettre une élévation nouvelle. L’Ancienne Alliance est dépassée par la Nouvelle Alliance en Christ. Par l’Incarnation et la Mort/Résurrection du Fils, l’Alliance est nouvelle et éternelle. On change de registre pour s’introduire dans le cœur de la Trinité.
Le Seigneur de la Loi : Dieu a donné sa Loi comme un guide de chaque jour. Elle est vie et lumière. Elle reflète la Loi éternelle et s’épanouit dans la loi naturelle et révélée. La Loi élève l’homme vers son Dieu et l’initie à une relation profonde. En Jésus-Christ, la Loi est loi d’amour en son sang. Le Christ est le Verbe de Dieu, il est donc la Loi de la Nouvelle Alliance. Les Tables de la loi conservées dans le temple de Jérusalem deviennent caduques car le Christ est le Temple et la Loi. Il est Dieu parmi nous, son verbe est Loi, son sacrifice force de loi, son amour vigueur de la loi nouvelle. C’est par l’amour que sont reconnus les fils et filles de l’Alliance Nouvelle
Le Seigneur du Temple : Dieu a été enfermé dans un temple où les sacrifices d’expiation et de réconciliation étaient offerts. Il est certes le Dieu de l‘univers mais la tendance à l’enfermer a été plus forte. Voici que le temple est caduc ainsi que tous les sacrifices. Le Christ est le Temple nouveau, lieu de rencontre entre Dieu et les hommes. Il est la Voie qui porte au Ciel, la Porte du paradis, la Lumière de nos cœurs. Qui va désormais enfermer le Ressuscité ? Qui va enfermer les fils et filles de la lumière, héritiers de l’Alliance Nouvelle animée par la Loi d’amour ? Le cœur de l’homme est l’habitation de Dieu car « où est le Père, là est le Fils ». C’est une grâce que d’être libéré des lieux physiques d’adoration pour retrouver en soi la source de la vie. Et même si nous avons besoins de lieux de culte beaux et inspirants, ils sont relatifs car la Beauté est toujours plus haute et supérieure.
Elisabeth recevant Marie ne se trompe pas. Elle sent le changement qui s’opère. Cet enfant qui vient est motif de joie et de renouveau. Il est le Seigneur qui enfin rencontre son Peuple. Il est Dieu parmi nous. Il est sorti du temple pour habiter parmi les hommes. Marie est donc en toute logique la mère du Seigneur. Elle porte ce que le temple était supposé contenir. Elle est celle « qui porte tout ».
- 2. Le Dieu qui vient.
Voici donc une révélation qui confirme les promesses des prophètes et les annonciations à Joseph et à Marie. Dieu vient. Il vient vers son Peuple. Il vient sauver son Peuple. Il n’envoie plus de messager si ce n’est le dernier, Jean le Baptiste qui ouvrira l’ère nouvelle. Dieu vient lui-même en Jésus-Christ.
Révélation de l’Incarnation : Marie devait être bousculée dans ses idées en accueillant le Fils de Dieu. Sa foi pure et son cœur immaculé ont permis l’accueil sans condition du Fils dans son corps virginal. Elle a accepté cette mission comme une grâce pour le monde. Malgré les difficultés pratiques et morales, elle a mis sa confiance en Dieu. Bien que mariée et prête à vivre avec Joseph, elle a accepté de changer son projet conjugal pour se mettre au service de cette mission rédemptrice. L’incarnation est un échange extraordinaire entre Dieu et l’humanité : Dieu prend chair pour que nous prenions sa divinité.
Révélation trinitaire : Marie devait être bousculée dans sa tradition religieuse. Comment Dieu peut-il avoir un Fils ? Qui est cet enfant à naître ? Est-ce raisonnable de croire en la Trinité ? Son intimité avec Dieu dans la prière, sa connaissance des textes et de la Loi, son désir de communion ont fait le reste. Et même si elle a pris son temps pour comprendre, elle avait accepté la révélation. Et même si plus tard elle a dû écouter et méditer les paroles de Jésus, elle avait déjà dit oui à l’amour. Son « fiat » (« Qu’il me soit fait selon ta parole ») est un oui clair et limpide à l’amour car il faut beaucoup d’amour pour recevoir le Très-Haut chez soi, et dans son cas, en soi. C’est toute la Trinité qui la visite : le Père exprime sa volonté, l’Esprit Saint la couvre de son ombre, le Fils s’incarne. La Trinité se révèle.
- 3. Conclusion : avec Marie.
L’Avent a été un temps de révélation : nous avons compris que l’enfant qui vient, c’est le Fils de Dieu. Ainsi, le Dieu unique s’est révélé Trinité et donc amour.
L’Avent a été un temps de dévotion : nous avons partagé l’expérience de ceux qui ont vécu de près l’événement.
L’Avent a été un temps de conversion : nous avons adapté notre vie à notre foi, nos mœurs à notre dévotion, nos choix à la communion fondamentale vécue dans l’amour. L’Avent s’achève par l’arrivée attendue et désirée du Fils, vrai visage miséricordieux du Père dans l’Esprit d’amour.
P. Francis