« Il fut tenté par le diable »
(Luc 4, 1-13)
Voici déjà le temps du carême. On se remet à peine des fêtes de Noël et déjà pointent à l’horizon les lumières de Pâques. En effet, le carême prépare la Semaine Sainte et la grande célébration de Pâques. On entre en carême pour mieux vivre Pâques. On fait carême pour faire ses Pâques. Il est bon d’avoir un temps de répit, d’évaluation, de repos aussi. Le carême nous permet de faire le point, de nous convertir, de revenir au Seigneur et de raviver la flamme en nous. Quarante jours de grâce pour retrouver l’essentiel et rééquilibrer nos forces, pour rejeter le mal et les idoles, pour plonger dans l’amour du Père et demander sa miséricorde. Même si le carême est conçu comme une période de sacrifice et de pénitence, il reste une chance et une grâce. La chance de se repentir et de transformer sa vie. La grâce de redécouvrir l’amour et d’en vivre. Jésus nous donne la voie : le jeûne, la prière et le partage. Il a lui-même affronté les tentations qui nous assaillent chaque jour. Il a rejeté les illusions du diable pour accomplir sa mission et vivre dans la communion trinitaire. Vivons ce carême comme un moment de grâce, celle qu’apportent la conversion et la transfiguration.
- 1. Le carême pour refaire ses forces spirituelles.
Le carême est un temps d’arrêt pour reconsidérer sa vie et revenir à Dieu par des exercices spirituels et des pratiques de pénitence. Ces pratiques nous aident à refaire nos forces et à nous recentrer sur Dieu, sur nous-mêmes et sur les autres. On a bien besoin de ces 40 jours pour réapprendre à prier, à lire l’Évangile, à regarder les autres avec des yeux neufs. Nous sommes souvent si occupés que le temps passe et les années défilent sans même nous en apercevoir. On prend des habitudes pas toujours libérantes; on s’avance sur des chemins scabreux ; on travestit la liberté.
Le jeûne pour nous libérer : tradition bien ancrée, le jeûne est un exercice qui nous permet un meilleur contrôle de nous-mêmes. Il concerne la nourriture mais aussi toute sorte de choses ou de pratiques qui nous enchaînent. Jeûner permet de reprendre le contrôle en contrôlant nos désirs et nos addictions. Jeûner nous met en face de nos faiblesses et de nos tendances à combler le vide spirituel par du matériel ou des illusions de liberté. En carême, nous prenons conscience de nos chaînes pour mieux les briser et vivre libres. Le jeûne n’est pas facile quand les habitudes sont profondément présentes mais c’est la voie de la libération. S’abstenir de nourriture est une façon de discipliner son corps et de le mettre au service de la mission. Modérer nos addictions est une façon d’orienter sa vie sans influence néfaste ou fausse illusion.
La prière pour nous plonger en Dieu : il ne s’agit pas de répéter des prières mais de se mettre en présence de Dieu, de retrouver la voie du salut dans l’amour, de réconcilier notre vie. La prière est un ‘colloque’ avec le Père par le Fils dans l’Esprit Saint, une rencontre amoureuse, un échange profond. Prier signifie aimer et se laisser aimer. Prier nous emporte dans l’amour trinitaire et nous comble de grâce. La prière personnelle est essentielle à notre vie intérieure. La prière communautaire est essentielle à notre vie ecclésiale. La grande prière de l’Église qu’est la messe unit le Ciel et la Terre dans un élan de grâce et de beauté. Prier pour être avec Dieu, en Dieu, pour Dieu. Prier pour vivre de l’amour de la Trinité. Prier pour vivre en liberté.
Le partage pour nous ouvrir aux autres : la charité est désavouée aujourd’hui, on préfère parler d’humanitaire. L’humanitaire ne regroupe pas toute la richesse spirituelle de la charité chrétienne et du partage. Il s’agit de s’ouvrir aux autres tout en s’ouvrant à Dieu car servir les autres c’est servir Dieu. On ne distingue pas les services, on les unit pour une plus grande qualité et vitalité. Le partage permet de découvrir la présence divine mystérieuse dans l’autre et la valeur de tout être humain. En reconnaissant l’autre, on se reconnaît soi-même. En découvrant l’autre, on découvre un Autre. En aimant l’autre, on aime l’Amour qui s’est révélé. C’est donc bien un acte humain ou humanitaire mais aussi un acte divin qui touche au mystère de la personne humaine et donc de sa création et donc de sa dignité. C’est un acte divin qui dévoile la Présence du Créateur et Rédempteur. Le partage peut prendre toute forme de directions et de créativité. Notre histoire l’a démontré.
Le carême nous est donné comme un don pour refaire nos forces spirituelles. Il nous libère des mauvaises habitudes et des addictions. Il nous recentre sur Dieu et les autres. Il fait jaillir l’espérance et la joie. Les actes de pénitences ne sont là que pour nous resituer en Dieu et nous humaniser chaque jour plus.
- 2. Le carême pour vivre en enfants de Dieu.
L’Évangile des tentations du Christ est lu ce dimanche comme pour nous aider à persévérer dans la foi mais aussi pour dévoiler notre identité de fils /filles de Dieu. SI le diable s’attaque au Fils, il s’attaquera bien à nous. La tentation est une sollicitation perverse qui détourne l’attention, fait illusion et nous enchaîne. Elle nous entraîne vers une fausse liberté. Y céder c’est se détruire et mourir. Le péché est notre grand drame. Il nous plonge dans l’enfer alors que nous sommes faits pour le Ciel. La miséricorde divine nous retire des griffes du diable pour goûter aux joies de l’amour trinitaire.
Découvrir sa mission : quand le diable veut donner au Christ les richesses et royaumes du monde, il cherche à le détourner de sa mission salvifique. Il incite le Christ à user de son pouvoir divin sans solliciter la liberté de l’homme. Mais le Christ sait bien que sa mission passe par la croix et que la force de Dieu dans l’amour sauvera l’humanité. Céder c’est renoncer au salut. Résister c’est obéir au Père et sauver l’humanité pour en faire des enfants de lumière.
Découvrir son identité : quand le diable demande au Christ de l’adorer, il cherche à abaisser le Fils mais aussi à le détourner de son Père. Il veut en faire une créature soumise à ses caprices. Il cherche à diviser l’unité de la Trinité. Il réussit bien à diviser l’humanité, nous en sommes témoins chaque jour, mais peut-il diviser la Trinité ? Il fera tout pour cela mais n’y réussira pas car l’amour est plus fort et plus grand. L’amour du Père et du Fils se déploie dans l’Esprit Saint. C’est en la Trinité que nous existons et que nous vivions. Notre futur est en Elle et non dans les illusions diaboliques.
- 3. Conclusion : quand l’amour nous pousse.
Vivons dans l’amour ce temps de carême : jeûnons, prions et partageons notre joie.
Vivons dans l’amour ce temps de grâce car notre mission s’éclaire et notre identité reluit de vérité et de beauté.
Vivons avec profondeur notre amour car il touche le cœur miséricordieux de la Sainte Trinité.
P. Francis