« Mon ami, avance plus en avant »
(Luc 14, 1.7-14)
Jésus s’avance peu-à-peu vers Jérusalem. Il monte vers la cité sainte où il va vivre le moment le plus important de son existence. Il sait que les prophètes meurent à Jérusalem, même si c’est la cité du temple, de l’Alliance, de la Loi et des offrandes. Contradiction que cette cité qui tue les envoyés tout en conservant les signes de l’Alliance ! Contradiction que d’offrir les sacrifices de réconciliation ou de communion et de rejeter ceux qui parlent de réconciliation et de communion ! Contradiction comme le cœur de l’homme qui veut mais ne fait pas, qui cherche mais s’aveugle, qui pense croire mais qui s’enferme sur soi. Jésus va donc bouleverser les choses car il ne vient pas au nom de Dieu, il est le Fils de Dieu. Sa parole est Parole de Dieu. Son sacrifice est l’Unique Sacrifice. Son sang est l’Alliance Nouvelle. Sa vie est donnée pour que le Peuple élu vive et entre dans la vraie communion divine. Il vient donner grâce et bénédiction. Il vient transfigurer le monde pour le porter à la présence du Père par l’Esprit. Jésus entreprend ce chemin et invite à se mettre en route, à accueillir la grâce, à vivre de l’Esprit. Alors que les Hébreux recevaient l’Alliance, Jésus scelle l’Alliance Nouvelle et éternelle. Il est l’Alliance. Il est la Vérité et la Vie. Entrons dans son intimité pour recevoir par lui la vie nouvelle et accéder au Père. Dans l’humilité des fils/filles, la joie du don et la gratuité de l’amour.
- 1. L’humilité comme chemin vers Dieu.
Quand on parle d’humilité, certains se sentent humiliés comme s’il s’agissait de synonymes. L’humilité est une vertu. Elle fait vivre et touche le cœur. Elle vient de Dieu car elle est simplicité et reconnaissance de ses propres limites. Est humble celui qui se sait dépendant, limité, aimé. Est humble celui qui s’en remet à plus grand que soi, au Créateur et au Rédempteur. Est humble celui qui suit le Christ. L’humilité est une voie spirituelle qui porte directement à la compagnie du Père.
Un Dieu si humble : Dieu est simplicité dans sa perfection. Il est proche dans sa grandeur. Il est puissant dans sa faiblesse. Parler d’humilité pour Dieu peut paraître contradictoire et même blasphématoire mais l’Écriture est pleine de ces moments où Dieu se penche sur l’homme, quémande son amour, pardonne ses excès, propose son Alliance. Dieu ne se fatigue pas d’appeler, d’annoncer, de proposer. Il renouvelle son Alliance malgré le rejet, le péché, les compromis. Il revient sans cesse vers celui à qui il se révèle. Peut-on imaginer Dieu plus humble ? Sa vengeance est pardon et amour. Sa colère est celle de l’amoureux éconduit. Son appel est proposition. Dieu veut entrer en relation et malgré sa béatitude éternelle, il vient vers l’homme parce qu’il aime.
Un Christ si humble : Jésus est d’une limpidité toute exemplaire et d’un abord facile et immédiat. Ses yeux sont clairs comme la lumière et son cœur est pur comme la source d’eau vive. Rien, en lui, ne transpire orgueil ou quelque intérêt. Tout en lui est gratuité et vérité. Il est vrai. Sa Personne est reflet de son être et son être est expression de l’Être. Il est icône du Dieu invisible, véritable expression de la divinité. Qui de plus humble parmi les fils de l’homme ? Qui de plus attentif à la grâce dans cette humanité tentée par l’esclavage et la mort ? Jésus a beaucoup appris de sa sainte Mère, l’humble servante du Seigneur, mais sa double nature l’a façonné comme l’Adam nouveau, l’homme selon la volonté du Dieu. Jésus, de même, est humble dans sa relation au Père. Il le rencontre dans la prière et cette communion le conforte non seulement dans la relation mais aussi dans sa mission. Il sera la Serviteur souffrant qui portera la vie au monde et rétablira la relation rompue. Apprenons de l’humilité du Fils pour rejoindre l’humilité du Père. L’Esprit Saint peut nous faire ce don inestimable et nous introduire ainsi dans le mystère des relations trinitaires où tout n’est qu’humilité, réciprocité et communion.
Un disciple si humble : le disciple suit les pas de son Maître, il parcourt le même chemin et ce chemin le mène au Père. Jésus le Christ est la Porte et le Chemin. Il ne donne pas de recettes mais il introduit à un style de vie qui reflète la lumière dans et par l’Esprit Saint. Le disciple prend exemple mais surtout sa force dans l’humilité du Fils, qui tout en étant Dieu, se fit humble pour sauver l’humanité et ne craignit pas de prendre notre chair. Alors que la chair du Fils resplendit de sa divinité, son humilité s’en trouve transfigurée. Le disciple, transfiguré par le bain du baptême et régénéré par la force de l’Esprit, peut suivre le Fils jusqu’en sa gloire. L’humilité du Fils est l’humilité du disciple, comme la glorification du Fils est la glorification du disciple. Beauté que cette correspondance entre humilité et glorification ! De même que le Fils reluit de la gloire divine, le disciple partage la grandeur du Rédempteur.
L’humilité n’est pas une humiliation. Elle est un chemin spirituel qui porte à rejoindre l’humilité des relations trinitaires. L’amour, encore, nous y introduit.
- 2. La gratuité comme chemin vers Dieu.
Si l’humilité est un don, si les dons de Dieu sont abondants, à nous de recevoir ces grâces dans la simplicité et l’amour. Nous recevons gratuitement, nous donnons gratuitement. Le don ne se monnaye pas, ne s’échange pas, ne se thésaurise pas : il se reçoit et se donne. Reçu comme signe de l’amour, il se redonne dans l’amour. C’est alors qu’il devient lumière et joie.
Gratuité de l’amour : Jésus rappelle que tout est don et que tout devrait être redonné. Nous sommes les tenanciers des dons de Dieu qui distribue selon les besoins de chacun mais surtout selon les besoins de la communauté. Un don est toujours communautaire car il édifie l’Église. C’est l’amour de Dieu à l’œuvre. C’est l’amour de Dieu qui construit et attire à lui.
Gratuité des relations : Jésus rappelle que nos relations devraient être gratuites et sans arrière-pensées. Celui qui calcule et rend la pareille oublie le don de Dieu et se l’approprie. Nous devrions puiser dans la grâce divine et vivre de cette grâce puis la transmettre aux autres. La relation deviendra clarté comme les relations trinitaires sont clarté, ad intra entre les Personnes Divines, ad extra envers le monde et l’humanité. Ainsi, Jésus propose d’inviter ceux qui ne peuvent rendre notre invitation, comme signe de la générosité du cœur et de la gratuité du don.
- 3. Conclusion : l’amour est le vrai chemin
Le Christ, dans sa relation au Père, est humble. Il veut faire la volonté divine et vit dans l’obéissance. Il connaît le Père et reconnaît son œuvre. L’humilité de Dieu le touche et se reproduit en lui. Il est vraiment le Fils.
Le Christ, dans sa relation au monde, est humble. Il vient pour rappeler l’Alliance, pour la sceller à nouveau par son sang et le don de soi. Son humilité est glorification. Il est le Seigneur.
Le disciple suit son Maître. Il partage l’humilité du Fils dans la gratuité du don et l’amour.
P. Francis