« Si quelqu’un vient à moi… »
(Luc 14, 25-33)
Jésus chemine toujours vers Jérusalem. Il est suivi d’une grande foule. Il se retourne et met des conditions pour le suivre. Il sera assez radical avec ceux qui prétendent en faire leur roi, un maître spirituel quelconque ou qui le voit comme un rabbin original. Jésus n’est pas cela. Il est bien plus que cela. Le suivre demande du renoncement et un changement drastique de vie. Il ne vient pas satisfaire des besoins religieux ou spirituels, il vient proposer un cheminement spirituel. Il ne vient pas parfaire la religion, il conduit au Père. Il ne donne pas de consignes, il donne l’Esprit Saint. On sent bien toute la nouveauté qu’apporte Jésus et la ‘conversion’, le retournement que cela suppose. Il n’est pas le fondateur d’une religion, il est la Voie d’accès au Père, il est la Lumière de l’esprit et de la conscience, il est la Vie qui se donne en abondance. Suivre le Christ n’est pas un choix simple, c’est un choix radical qui rejoint l’option fondamentale de la vie de chacun. Cela demande des sacrifices et des ajustements, des modifications et des renoncements, des options et de la confiance. De fait, il s’agit encore ici d’aimer. Suivre le Christ est un choix d’amour qui nous porte à la connaissance du Père et nous plonge dans les relations trinitaires, par l’Esprit Saint. Loin de tout sectarisme, suivre le Christ est un acte universalisant qui nous introduit à la Présence divine. Cela n’est pas possible sans amour.
- 1. Aimer Dieu plus que tout
Les paroles de Jésus nous semblent particulièrement exigeantes. Il demande à le préférer à tout et à tous, même aux êtres les plus chers. On se demande s’il n‘exagère pas un peu puisque l’amour des parents est inscrit dans la loi de Dieu. Jésus nous signifie par-là que rien ne doit faire obstacle à la relation profonde que nous entretenons avec le Père, que rien n’est plus précieux que cet amour qui vient d’en haut, que rien ne peut nous satisfaire plus que cette gratuité qui nous envahit.
La famille retrouvée : la famille doit être un lieu de vie où chacun se retrouve et se trouve. Un lieu de liberté et de croissance. Un lieu où l’amour fait grandir et où les relations saines portent à la relation divine. La famille est la cellule de base où l’on fait l’expérience première de la relation comme aussi l’expérience de la vie spirituelle. Elle doit porter à la relation gratuite et désintéressée. Pourtant, la famille peut être un obstacle et là, des ajustements sont nécessaires pour satisfaire à sa vie spirituelle et trouver son équilibre humain. On ne peut toutefois rien préférer à Dieu, comme Être Suprême mais surtout comme Père qui nous porte sur les bras et nous donne sa vie. Jésus est clair sur ce point, non qu’il nous sépare de nos familles mais qu’il nous permet de les retrouver avec toute la grandeur de leur vocation. En Christ, la famille devient une ‘sainte famille’ : là où nous grandissons comme homme/femme et comme fils/fille de Dieu.
Nos relations régénérées : Jésus met en garde aussi contre nos relations amicales ou interpersonnelles. Si nous choisissons nos amis, nous devrions faire un choix qui s’oriente vers le choix fondamental. On ne peut courir ‘deux lièvres’. Les relations doivent être clarifiées et correspondre à des critères. Les relations interpersonnelles ne peuvent nous entraîner vers le bas ou nous pousser à quitter cet amour primordial qui nous anime. Cependant, notre amour, notre attitude bienveillante, notre tolérance, la force de la foi nous portent au témoignage et régénèrent nos relations. Plutôt que de se laisser entraîner, entraînons vers le bien et la beauté, vers la connaissance du vrai Dieu et vers l’amour éternel. Savoir renoncer, c’est bien souvent savoir recevoir différemment ce à quoi nous avons renoncé.
Les biens replacés : Jésus s’attaque aux biens matériels. Ces biens nous aident à vivre et il est bon de satisfaire nos besoins comme aussi de pourvoir à la vie de nos familles. Les biens accumulés peuvent aussi être un obstacle sur le chemin de la liberté et des relations. Ils peuvent nous porter à l’intransigeance, à l’égoïsme et à l’orgueil. Savoir remettre les choses en place est important. Savoir situer sa vie en dehors des dorures illusoires. Savoir apprécier les autres au-delà de leurs richesses. Nous ne sommes pas nos richesses Aux yeux de Dieu, nous sommes bien plus, nous sommes ses fils /filles qu’il regarde avec amour et qu’il attend comme un Père aimant. Notre vie ne dépend pas du cumul mais de l’utilisation de nos biens. Jésus sait nous resituer en pointant l’essentiel et la valeur de la vie avant toute chose.
L’amour de Dieu nous est proposé. Il vient refaire nos vies et resituer nos relations. Bien plus, son amour réévalue les choses et les relations et leur donne un élan nouveau, un goût d’éternité.
- 2. Suivre le Christ par amour
On ne peut être superficiel avec Dieu ni avec le Christ et Jésus n’a jamais caché la difficulté de le suivre. Il ne ‘vend’ pas un produit, il ne fait pas de publicité mensongère. Il dit les choses telles qu’elles sont, avec leurs limites et leur portée, avec leur grandeur et leur sacrifice. Le suivre demande d’accepter la croix mais de la porter avec lui.
Sortir de soi : suivre le Christ demande un acte de foi, une confiance pure, une démarche d’amour. Cela demande un dépassement pour adhérer aux valeurs évangéliques qui sont chemins d’éternité. Prendre sa croix, c’est marcher vers la Résurrection car le dépouillement est une glorification.
Renoncer aux actes de morts : suivre le Christ, c’est refuser les actes de mort et la violence, c’est rejeter le péché et ses conséquences mortifères, c’est avancer vers les eaux profondes la main dans celle du Sauveur. Suivre le Christ, c’est accepter la vie et sa beauté, c’est accueillir la lumière et ses feux intérieurs, c’est ouvrir des chemins nouveaux, c’est l’aventure humaine qui devient divine. Si la croix est un passage auquel nous ne pouvons nous soustraire, elle devient croix glorieuse dans la lumière pascale et la force de l’Esprit. Le Père est présent à la croix et porte son Fils dans son cœur. L’Esprit est le lien entre le Père et le fils, l’amour qui ne s’éteint jamais et qui se répand sur le monde en attente.
- 3. Conclusion : tout pour Dieu.
Préférer le Christ à tout conduit au Père. C’est là le but de l’existence. Pour cela, on renonce aux obstacles pour trouver les chemins qui mènent à Dieu. On renforce aussi nos liens pour qu’ils soient chemins, eux-aussi, de vie et de lumière. En Christ, tout prend sens et cohérence, tout devient voie de salut.
Préférer le Christ, c’est prendre sa croix, la porter avec amour et suivre son chemin vers la lumière de Pâques. Exigence certes mais nécessité d’une vie véritable qui écarte les illusions et les fantasmes pour accéder au rêve divin d’une communion éternelle. Le Cœur de la Trinité est notre lieu de repos.
P. Francis