« Heureux serez-vous… »
(Mat 5, 1-12a)
A écouter les médias, le christianisme est une religion de culpabilité, véhiculant une morale mortifère et ennemie du bonheur. On ne trouverait que des chrétiens taciturnes et rétrogrades. Fixés à la croix, les chrétiens ne rêveraient que d’un ‘autre monde’ auquel ils n’accéderaient qu’à force de sacrifices et de dévotions. On est loin de la joie débordante de la Résurrection et du dynamisme de la Pentecôte ! On est loin des paroles d’amour du Christ et des lumières du Royaume des Cieux ! On est loin du bonheur des saints et de la joie tranquille de nos grands-parents. Le Christ est chemin vers le Père. Par son Esprit, il nous unit à lui afin de vivre du même esprit filial qui l’anime. Soutenus par la beauté de la Création, nous tendons à la splendeur de la nouvelle création, fruit de la grâce divine dans le Ressuscité. Et si nous désirons ardemment vivre le face-à-face éternel, nous n’en restons pas moins à ‘travailler’ ce monde pour faire éclore le don de Dieu. Les Béatitudes nous y aident. Elles sont au cœur de l’enseignement du Christ. Elles balisent notre route.
- 1. La charte du Christ.
Avant de donner sa version des Béatitudes, Matthieu procède à une mise en scène grandiose. Il veut faire de ce discours un moment important de son Evangile, c’est pourquoi il reproduit les gestes de Moïse au Sinaï. De la même façon que Moïse a gravi la montagne, a reçu la Loi et l’a transmise au peuple en attente, Jésus gravit la montagne, s’assoit et enseigne la Loi nouvelle au nouveau Peuple des croyants. Jésus, ici, dépasse Moïse car il ne reçoit pas de loi à transmettre, il enseigne de sa propre autorité et s’assoit comme le Maître. Il ne parle pas au nom de Dieu, il est Parole de Dieu. Il ouvre la bouche, comme Dieu à l’origine du monde dont la parole créatrice organisa le chaos et permit l’éclosion de la vie. De sa bouche, sortent les paroles de grâce qui vont nous donner vie, qui vont compter dans nos existences chaotiques et qui vont adoucir nos cœurs en attente de bonheur et de tendresse. Le ‘Sermon sur la montagne’ devrait être notre charte quotidienne, lue et relue à n’en plus finir à l’image de notre soif de bonheur et de vie qui ne se tarit jamais. Jésus touche notre existence et nos relations aux autres. Par elles, nous atteignons le cœur de Dieu.
Le bonheur intérieur (béat. 1, 2 et 3): pauvreté du cœur, douceur, compassion sont le chemin proposé par Jésus pour être heureux. Il est souvent dit qu’on doit d’abord trouver son harmonie personnelle et que ce travail intérieur est essentiel. C’est certainement vrai mais dans quelles conditions ? La pauvreté du cœur désigne la simplicité. La douceur désigne une force vitale qui touche l’amour. La compassion désigne notre capacité de partage. On est loin de la violence, de l’orgueil et de l’égoïsme proposés par nos sociétés en mal de pouvoir et d’avoir. Le Christ nous rejoint au cœur de la conscience et de l’être car créés dans l’amour, c’est l’amour qui préside notre existence, même si parfois, on confond amour et passion ou amour et égoïsme. Le bonheur est un chemin de simplicité, de douceur et de tendresse qui s’enracine dans l’amour des Personnes Divines. L’harmonie et la communion trinitaire sont la référence suprême du christianisme. Là se joue le bonheur de l’homme !
Le bonheur d’être ensemble (béat. 4, 5, 6 et 7): justice, miséricorde, pureté du cœur, paix sont le chemin proposé par Jésus pour être heureux ensemble. De l’harmonie personnelle sourdent l’harmonie fraternelle et la paix sociale. Comment vivre ensemble si la justice et la miséricorde restent dans le domaine du rêve ? Peut-on construire une société sans justice sociale, sans pardon et possibilité de réparation ? Comment donner sa chance à chacun dans l’égalité de la dignité ? La pureté du cœur ou l’intention droite, la justice ou l’égalité en dignité, la miséricorde ou acceptation de la faiblesse de l’autre sont chemin de bonheur qui prend sa source dans l’égale dignité des Personnes Divines, vivant de la communion dans l’amour. La société, ou au moins l’Eglise du Christ, devrait vivre en communion dans la différence acceptée.
Le bonheur de croire (béat. 8 et 9): vérité et amour sont le chemin proposé par Jésus pour être heureux. Nous sommes conscients des forces du mal qui assaillent notre monde et notre cœur. Nous sommes assez réalistes pour ne pas tomber dans un angélisme puéril. Et pourtant, s’enraciner dans la vérité de la foi soulage notre raison, s’enraciner dans l’amour apaise notre cœur en émois. Tout n’est pas bon et tout n’est pas vrai. Il y a des chemins qui mènent au néant et à l’esclavage. Vérité et amour nous donnent la force nécessaire à affronter le relativisme et l’idéologie, la bêtise et l’ignorance, le mensonge et la persécution. Il ne s’agit pas d’une théorie mais d’une Personne, le Christ. Fils de Dieu, il partage sa vie divine et nous invite à l’amour trinitaire. Le bonheur est quelquefois au prix de l’insulte, du rejet et de la persécution. Fixons notre cœur dans le cœur de la Trinité.
- 2. Le cœur du Père
Si les Béatitudes nous indiquent le chemin, elles nous assurent du bonheur. Elles nous rassurent de notre proximité d’avec Dieu et nous ouvrent les Portes du Ciel. Le bonheur est possible maintenant par nos attitudes évangéliques et pour toujours par les promesses d’une vie en Dieu.
Royaume des cieux : notons que nous obtenons le Royaume des cieux par la pauvreté du cœur (béat 1), une attitude intérieure et par la persécution à cause de la justice (béat. 8), une option sociale. On ne peut donc s’enfermer sur soi ou se concentrer sur notre relation à Dieu. C’est justement cette relation qui nous pousse vers la vérité et la défense de la justice, jusqu’à l’opposition et la persécution. Depuis le matin de Pâques, le Royaume de Dieu est déjà commencé.
Fils de Dieu : notons que ce sont les artisans de paix qui sont appelés «fils de Dieu » (béat 7) ! On reconnaît les fils et les filles par leur attitude et leur comportement. Ils cherchent l’unité et l’harmonie, ils défendent la paix. Ils aiment les autres, tout simplement.
Voir Dieu : notons que « les cœurs purs verront Dieu » (béat. 6) ! Le Christ nous invite à purifier notre regard et à regarder le monde et les autres avec le regard de Dieu, comme au matin de la création (« Dieu vit que cela était bon » Gn 1 et 2) et comme au matin de la Résurrection. Tout l’amour du Père s’est exprimé alors, pour notre bonheur et notre joie.
- 3. Conclusion : le bonheur d’être aimé !
L’Eglise du Christ n’est pas une organisation internationale avec des règles et des structures. Elle est d’abord la communion des fils et filles, sauvés et sanctifiés en Christ et dans l’Esprit Saint. Elle reflète l’harmonie trinitaire.
L’Eglise du Christ, à la suite de son Fondateur, proclame à tous la charte du bonheur : dans l’amour, tout est grâce !
P. Francis