ORDINAIRE 8 A

« Cherchez d’abord le Royaume et sa justice »

(Mat 6, 24-34)

Jésus apparaît pour certains comme un doux rêveur. Il préconiserait un laisser-aller ou un détachement suspect des réalités du monde. Il entretiendrait un idéalisme pour les niais et les incapables. Mais au contraire, le ‘Sermon sur la montagne’ est un programme de vie et un style nouveau. Il nous invite à la responsabilité et au sens caché des choses. Il donne du souffle à la vie et enseigne le bonheur. Nous ne sommes pas des électrons perdus dans l’univers mais les fils et filles du Très Haut qui nous partage son amour et nous invite à la communion. Le Royaume est déjà parmi nous. Dieu est présent en nous, en nos cœurs ouverts à la transcendance et à l’amour. Si la Trinité est origine, elle est aussi le but ultime de notre existence, le présent et l’avenir de nos horizons. Son Royaume est inauguré à la Résurrection et s’épanouira définitivement dans le retour du Christ. Nous vivons dans le déjà-là d’une réalité qui nous dépasse, aspirant à son achèvement définitif qui passe aussi par nos mains et nos cœurs.

1. Cœur divisé.

Nous oscillions entre le ‘réalisme’ et ‘l’idéalisme’, entre le concret et la projection, entre le présent et l’avenir. Nous avons bien de la peine à concilier le quotidien et les idées, le matériel et le spirituel, l’humain et le divin. Il nous semble perdre du terrain quand nous nous engageons dans la réflexion philosophique ou théologique ou que nous prenons du temps pour la prière et la spiritualité. Nous sommes tendus et en tension. Nous sommes divisés et inconsolables. Le Christ reste pourtant notre critère et notre chemin. Fils de Dieu et Fils de l’homme, il est la voie que nous donne le Père pour vivre de l’Esprit Saint. Il accomplit l’unité tant recherchée qui apaise nos cœurs.

Cœur divisé par le péché : le Christ vient nous libérer du péché. Nous avons tendance à nous éloigner de Dieu et à parcourir des chemins personnels de ‘liberté’. Nous nous mettons au centre du monde et notre subjectivité devient le critère de nos choix et opinions. Si une certaine autonomie nous a été donnée par création, il n’en reste pas moins que nous existons sous le regard de Dieu et que la foi nous donne des critères objectifs ouvrant au sens et à l’identité. La liberté véritable nous a été obtenue par la victoire pascale du Christ et consiste à vivre de l’Esprit divin qui crée et anime toute chose. Le Christ opère cette unification du cœur en nous obtenant pardon et grâce, en nous enseignant comment vivre en fils/fille de Dieu tout en étant vraiment homme/femme. L’unité du cœur est un don de l’Esprit obtenu par notre vie de communion dans l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit.

Cœur divisé par le réalisme : le Christ vient nous combler. Nous avons tendance à nous inquiéter et à tout prévoir, à organiser et à pronostiquer. Nous sommes tendus et manquons de confiance. Certes, nous aimons les idées et même la sagesse mais elles ne nourrissent pas nos corps. Nos cœurs oscillent entre le réalisme naturel et social et l’idéalisme d’une vie spirituelle confiante. Si nous bénéficions d’une certaine paix due à nos prévoyances, il n’en reste pas moins que nous trouvons suspect tout abandon à la Providence. Et pourtant, le Christ nous dit de ne pas se soucier du lendemain et que à chaque jour suffit sa peine, que les exemples des bienfaits de la Providence sont nombreux, que notre histoire sainte reflète tant interventions divines, que le Père se soucie de nous et que le Royaume est notre seul souci. Bien beau mais est-ce bien réaliste ? Le Christ nous rassure et unifie nos cœurs en y mettant la force de l’Esprit créateur qui est origine de tout et qui dirige tout.

Cœur unifié par le Christ : le Christ vient unifier nos personnes en les unissant au Père dans l’Esprit. Nous avons tendance à séparer spiritualité et matérialité, Dieu et l’homme, la foi et la raison. Il arrive même qu’on en fasse des mondes à part et bien distants dans lesquels on puise à l’occasion. S’il y a effectivement une différence entre les domaines, il n’en reste pas moins que ces différences ne créent pas la division mais qu’au contraire, elles s’appellent pour mieux exister. Le Christ unit Dieu et l’homme en lui, vrai Dieu et vrai Homme. Il nous partage cette unité et nous entraîne vers l’harmonie de notre humanité avec la grâce divine. Cette harmonie est harmonie en nous du corporel et du spirituel, du corps, de l’esprit et de l’âme. N’est-ce pas un signe de réussite que de pouvoir vivre en paix avec soi-même, réconciliant tous les aspects de notre humanité et jouissant de leurs grandeurs et beautés?

2. Sanctification du quotidien!

On ne peut certes pas renoncer à notre travail et à nos soucis du quotidien. Nous sommes responsables de nos familles et de nos enfants, de nos sociétés et communautés. L’Eglise elle-même, tout en étant le Corps du Christ et son Sacrement de salut, s’organise et se structure. On ne peut vivre oisif, attendant tout de la Providence qui alors est cause de notre insouciance et paresse. On ne peut prétendre à l’harmonie si on n’y contribue pas par l’édification du Royaume. « Ora et labora » dit l’adage bénédictin, « travaille et prie » pour manger le fruit de ton travail et vivre de l’Esprit Saint.

Présence divine autour de nous : Dieu est au cœur de notre quotidien. Il se soucie de nous et nous entraîne dans une vie de communion. Tout peut contribuer à le retrouver et à notre sanctification. Il s’agit d’insuffler sa présence dans nos vies et actions ou de la détecter par les signes qu’il donne. Le quotidien, depuis le Christ, est chemin spirituel et réalité de la présence divine. Créateur et sauveur, Dieu est sanctificateur et consécrateur.

Présence divine en nous : Dieu est au cœur de notre cœur. Comme St Augustin, on peut passer son temps à le rechercher ailleurs ou à l’extérieur. Comme lui, on peut s’apercevoir qu’il est là alors que nous sommes ailleurs à sa recherche. Cette présence intérieure est source de joie et de bonheur car elle nous parle d’amour et de grâce. Communion et don de soi, Dieu est avant tout amour.

3. Conclusion : un règne d’amour

Jésus nous invite à la confiance : Dieu a créé le monde. Le monde est entre ses mains. Autonome, il n’en dépend pas moins de sa Providence. Libre, il trouve sa liberté dans l’obéissance à sa Parole. Contradiction apparente seulement!

Jésus nous invite à l’harmonie : Dieu est harmonie et beauté. Il partage cette réalité avec ses créatures dont il a fait ses enfants en Christ. Comme le Christ est Dieu et Homme, nous partageons l’harmonie divine en la vivant en nous par l’Esprit d’unité pour la plus grande gloire de la Trinité Sainte. Contradiction apparente seulement !

Apaisés par l’équilibre entre les différents aspects de nos vies et par la présence de Dieu dans notre quotidien et en nous, nous pouvons entrer dans le Royaume qui est communion en la Trinité. A.B.

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