« Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu »
(Luc 3, 10-18)
La figure de Jean Baptiste nous accompagne durant l’Avent. On est touché par ses paroles de sagesse mais aussi par sa fougue à défendre l’Alliance et à rappeler la Loi. C’est bien ce dont nous avons besoin durant l’Avent : un rappel et un engagement. Rappel de ce que Dieu a fait pour nous et son désir d’entrer en relation, en Alliance. Engagement à la fidélité, à la vérité, à l‘harmonie. De fait, le Seigneur vient. Sa naissance a été une promesse et une bénédiction. Son retour est une grâce et une plongée dans l’amour. Mémoire historique mais aussi engagement spirituel, Noël est l’irruption de la grâce dans notre chair et la possibilité de partager la divinité par celui qui est Homme et Dieu. Cette perspective est une occasion de joie et de bonheur. Déjà Sophonie (3, 14) exhortait à la joie. La Résurrection nous a donné la pleine connaissance de Dieu et de son dessein et la satisfaction de se savoir aimés, sauvés et élus. La joie est donc une caractéristique chrétienne qui s’appuie sur la vérité de la foi et la profondeur de l’amour. Oui, Christ a accompli la merveille ! Oui, Christ nous emporte avec lui ! Oui, Christ est cause de notre joie car il est la Joie du Père dans le dynamisme de l’Esprit.
- 1. Avent : la joie de croire
Il est bon durant l’Avent de méditer sur la joie et notre rapport au bonheur. Certains accusent les chrétiens de se morfondre dans la perspective de la croix et la pénitence perpétuelle. Serions-nous d’éternels coupables, abimés dans une culpabilité mortifère ? Serions-nous des pécheurs invétérés que même la grâce ne puisse transformer ? Ne sommes-nous pas trop pessimistes ? C’est faire peu cas de la victoire de la Résurrection et de la puissance de la grâce en nous. Nous sommes sauvés et rétablis dans notre condition originelle, nous sommes même transfigurés avec le Christ pour être présentés au Père, nous sommes les fils et filles du Très Haut dans l’amour de l’Esprit Saint. N’est-ce pas là la cause de notre joie intérieure et de notre perpétuelle action de grâce ? Notre culte lui-même, la messe, est dit ‘eucharistie’, c’est-à-dire ‘action de grâce’. Nos temps de pénitence (Avent et Carême) eux-mêmes sont assouplis par les dimanches de la joie (Gaudere et Laetare). Notre jeûne lui-même est suspendu le dimanche, joie du Seigneur et fête de la Résurrection. La joie devrait exprimer tout le bonheur d’être aimé et toute la profondeur de l’amour.
Joie d’être aimé : comment être triste quand on est aimé ? La vie nous réserve des difficultés et bien des épreuves. Nous ne sommes pas toujours prêts à exulter de joie. On trouve même parfois que la joie est une illusion quand on connaît la souffrance, le malheur ou la dépression. Et pourtant ! Il est une vérité qu’on ne peut ignorer : nous sommes aimés. La création est un don de dieu. La beauté est un appel divin. L’Alliance fut un engagement de Dieu pour son Peuple. Noël est l’engagement surprenant et étonnant du Seigneur pour ses fils et filles. Pâques est sa plus grande victoire pour transformer la Création et tout homme et lui donner l’étincelle qui l’embrasera d’amour.
Joie d’être sauvé : comment être triste quand on est sauvé ? La violence et le mal semblent triompher. Le juste est encore persécuté. On trouve parfois que les compromis et la ‘magouille’ sont plus appropriés à ce monde corrompu. Et pourtant ! Il est vrai que le salut est venu nous transformer de l’intérieur et que nous sommes appelés à un monde différent, dans lequel tous trouvent leur place et où chacun se sent respecté et aimé. C’est la puissance de la croix qui a renversé les valeurs et la force de la Résurrection qui a rétabli l’équilibre. C’est à nous maintenant de vivre selon le monde nouveau, en étant cet homme nouveau qui rejoint la volonté divine et se nourrit d’amour à partir de la communion trinitaire. Noël ouvre la voie car Dieu est avec nous : le processus est enclenché.
Joie d’être fils et filles : comment être triste alors qu’on se sait enfant de Dieu ? Il nous semble parfois que Dieu est loin de nos préoccupations, que nous devons ‘ramer’ seuls dans le fracas des eaux en furie. Et pourtant ! Y-a-t-il quelqu’un de plus proche que le Seigneur de l’Univers ? Le Fils nous a donné cette joie d’être enfants de Dieu, l’Esprit nous a consacrés au baptême et à la confirmation, le Père nous a accueillis dans sa communion. Qui nous enlèvera la joie de nous savoir si proche du Père ? Quelle religion est allée aussi loin dans la relation et la proximité ? Il n’y a de chrétiens qu’enfants de lumière ! Nous sommes la joie du Père en qui Dieu se complaît. Toute la Trinité est notre source, notre joie, notre avenir.
Le bonheur nous a été donné par le Fils. Ce bonheur vient de l’amour du Père. Il s’épanouit dans la force de l’Esprit Saint, amour du Père et du Fils.
- 2. Avent : la puissance de l’Esprit Saint.
De fait, la joie est un don de Dieu. Elle s’inscrit au plus profond de l’être. Elle est inexplicable car elle affleure à chaque instant, même dans les moments difficiles de notre vie. Elle nous submerge dans la prière. Elle nous apaise dans le malheur. Elle rend serein dans la persécution. Elle se fait louange dans la liturgie, offrande à l’offertoire et intimité à la communion. La joie est notre milieu car l’amour est notre identité filiale.
Baptisés dans l’Esprit Saint : si l’Esprit est l’amour du Père et du Fils, nous sommes plongés dans cette relation nouvelle et éternelle. Le baptême n’a pas été une simple purification mais une profonde consécration nous unissant à la Trinité. L’Esprit est l’agent de notre vie, le promoteur, le consolateur, le révélateur. Par ses dons, nous entrons dans un style nouveau qui nous rapproche de la vérité divine et nous prépare à la rencontre définitive.
Baptisés dans le feu : nous avons été embrasés par le feu de l’amour et nous le sommes encore. Les Sacrements et la vie ecclésiale nous maintiennent dans la fougue de l’Esprit et l’amour de la Trinité. Ce feu en nous ne peut s’éteindre, il révèle notre consécration et notre communion. Il est signe de l’amour bouillonnant de notre cœur pour Celui qui nous a créés, sauvés et consacrés, pour Celui qui nous aime d’un amour éternel.
- 3. Conclusion : il vient !
Ce dimanche de la joie est un appel à reconsidérer notre façon de vivre et notre approche du monde. Sommes-nous prophètes de malheur ou chantres de la joie divine, du bonheur universel, de la sérénité possible, dans un monde trouble et sans pitié ?
Ce dimanche de la joie est un rappel de notre vocation à la communion et donc au bonheur éternel. Sommes-nous conscients de la dignité de notre vocation filiale, de la beauté de notre nature humaine transfigurée par l’Incarnation et régénérée par la Résurrection ?
Le Seigneur vient : joie pour les hommes ! Sérénité pour nos cœurs ! Paix pour l’univers.
P. Francis